Alpha : Julia Ducournau rivalise avec Gaspar Noé


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Pour son troisième long-métrage, après Grave et Titane, l’ex-étudiante de la Fémis, désormais réalisatrice confirmée, plonge au cœur des tréfonds de l’âme, là où sommeillent les émotions originelles. Elle les réactive avec fracas.

Dans Alpha, l’action se déroule dans une ville dystopique où un mystérieux virus, évoquant le sida, se propage par les fluides corporels, notamment le sang, transformant progressivement ses victimes en statues de marbre. Fidèle à son obsession pour les corps et leurs mutations, la réalisatrice livre une œuvre viscérale, portée par la performance transformative et habitée de Tahar Rahim.

Dans le film, la maladie ne pétrifie pas seulement les corps, mais l’ensemble de la société, paralysée à tous les niveaux. La peur engendre rejet et culpabilisation des malades, y compris des plus jeunes, comme Alpha, une adolescente de 13 ans incarnée par Mélissa Boros.

Le récit explore les traumatismes qui marqueront les générations futures : la terreur des pandémies, les tourments de l’adolescence chez les jeunes filles, le drame de l’addiction, la beauté paradoxale de la maladie, les excès de l’amour maternel, la force de la cellule familiale – ancrée, pour le meilleur et pour le pire, dans des traditions . La réalisatrice centre son scénario sur la dépendance aux drogues d’Amin (Tahar Rahim), dépeint comme une « épave ».

La pandémie, en toile de fond, amplifie le sentiment de rejet, illustré par l’image glaçante des cadavres alignés dans les couloirs d’hôpitaux. Les moments d’émotion, tantôt subtils, tantôt paroxystiques, abondent. Golshifteh Farahani, rayonnante malgré le chaos, incarne un personnage d’une ambiguïté constante, tandis que Mélissa Boros offre un portrait d’adolescente digne du meilleur cinéma américain.

Les idées de mise en scène, audacieuses et stimulantes, marquent durablement. Le spectateur retiendra longtemps des scènes aussi variées que la terreur d’Alpha, la célébration de l’Aïd ou encore l’angoisse du sang dans la piscine.

D’autres moments, tour à tour fascinants, effrayants ou magiques, font d’Alpha une œuvre qui ne laisse pas indifférent.

INTERDIT au moins de 12 ans !