

Fantôme utile, à la lisière du fantastique, de la science-fiction, de la comédie et du drame romantique, est un film unique et stimulant qui explore les spectres hantant la Thaïlande. Fiction à la fois pop et politique, ce long-métrage réalisé par Ratchapoom Boonbunchachoke, récompensé par le Grand Prix de la Semaine de la Critique à Cannes, met en scène les fantômes des opprimés de la société thaïlandaise, revenus pour réclamer justice.

Ce film se distingue comme le premier à présenter un fantôme électroménager, incarné dans un aspirateur. Un aspirateur aspire la poussière, ces minuscules particules chargées de sens, que le scénario exploite avec intelligence à travers plusieurs dimensions. Mais qu’est-ce qu’un fantôme ? Dans les sociétés occidentales, il évoque souvent l’inoffensive figure de Casper ou une création née des trucages pré-CGI, chassée dans les années 1980 par les Ghostbusters. Parfois, il surgit lors de séances de spiritisme adolescentes, oscillant entre incrédulité et frisson face à un possible contact avec l’au-delà. S’inspirant d’une légende thaïlandaise bien connue – celle d’une histoire d’amour interdite entre une femme fantôme et son mari vivant –, Ratchapoom Boonbunchachoke livre une œuvre inventive, parfois comique.

Les fantômes du film, nés des guerres, des violences de masse, des déplacements forcés de populations, des épidémies et de la détérioration de la planète, sont spectrogènes et refusent de rester en place.
Ils reviennent pour exiger justice. Cette légende, souvent adaptée au cinéma, au théâtre et à la télévision, est ancrée dans la culture pop thaïlandaise.
En la revisitant, le réalisateur lui offre une nouvelle incarnation, à la croisée des formats télévisuels thaïlandais.

Le film assume une forme « impure » et pop, où l’artificialité sert à rendre visible l’invisible et à donner vie aux âmes perdues. La narration, portée par la voix-off d’un ladyboy – lui-même victime d’un aspirateur hanté – s’accompagne d’effets numériques audacieux : ouvertures d’iris, surimpressions prolongées et longues séquences de champ-contrechamp, qui tissent un univers entre conte et fantastique.
Véritable OVNI, Fantôme utile est une réussite, à la fois drôle et dérangeante, portée par un regard aiguisé sur le passé de la Thaïlande.