Le Benny’s Movie présenté par Benoît Muller sera consacré au dernier film de David Cronenberg/ Les Linceuls


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La Benny’s Movie séance « coup de cœur » mensuelle présentée par Benoît Muller sera consacrée au dernier film de David Cronenberg, un film qui a déboussolé certains spectateurs mais qui mérite une attention particulière tant la proposition éminemment autobiographique et dans l’air des temps futur résonne avec l’ensemble de sa filmographie. Benoît Muller se chargera donc de le mettre en perspective avec sa filmographie et relèvera le défi de le sauver du caveau dans lequel il a trop vite été enterré.

Dans Les Linceuls, Cronenberg se filme en Musk des pompes funèbres ; Vincent Cassel, en alter ego du cinéaste, incarne Karsh, un homme ravagé par le deuil, mais aussi obsédé par une quête technologique qui repousse les limites de la morale. Plus de place pour l’organique : seulement le squelette décharné d’un monde en perdition.

Le point de départ est fascinant : Cronenberg prend au pied de la lettre la question humaine face à la mort — ce qu’elle fait au corps, et comment elle le réduit en poussière. Grâce à GraveTech, un système révolutionnaire, les vivants peuvent observer en temps réel la décomposition de leurs proches dans leurs tombes. Ce précis de décomposition devient une expérience cinématographique troublante.

Comme le dit Karsh : « Je ne supporte pas de ne pas savoir ce qu’il arrive à son corps à elle. » Le film est tour à tour beau, dérangeant, terrifiant. Oui, c’est morbide, grotesque — mais pour un homme en deuil, ça ne l’est pas. C’est une tentative de survivre à la perte, de prolonger une relation au-delà de la mort, dans un cadre biologique, presque clinique. Karsh a tout misé sur ce cimetière high-tech, reflet d’un amour impossible à enterrer. Les Linceuls est aussi un thriller d’espionnage, mais cette intrigue n’est que la surface. Ce qui palpite en profondeur, c’est la paranoïa du deuil, cette tendance à chercher un sens, un coupable, là où il n’y a que le vide.

Mais le film n’est pas que désespoir. Il est aussi traversé d’un humour noir, presque absurde. Diane Kruger, dans un triple rôle, insuffle une énergie qui frôle la comédie romantique. Cronenberg lui-même évoque cette tonalité inattendue, portée par un casting qu’il qualifie d’exceptionnel. Au fond, Les Linceuls est une méditation sur le corps, la mémoire, et le cinéma lui-même — cette machine à faire revivre les morts. Un antidote malicieux à l’intelligence artificielle, et une œuvre profondément humaine, malgré sa froideur technologique.