Les « Elles » du désir


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Les Filles désir, premier long-métrage de Prïncia Car, coécrit avec Léna Mardi, met en scène Housam Mohamed, Leïa Haïchour et Lou Anna Hamon. Ce drame contemporain, porté par un casting de jeunes acteurs non professionnels issus des quartiers nord de Marseille, puise son origine dans un atelier de théâtre animé par la réalisatrice.

L’histoire explore la manière dont l’arrivée d’une jeune femme ébranle les repères d’un groupe d’amis autour des thèmes du corps, du sexe et des relations affectives. Avec franchise et tendresse, le film dépeint cette bande d’amis, tout en suscitant un léger malentendu dès son titre. Loin de suggérer « les filles désirent », Les Filles désir évoque plutôt les filles comme objets de désir, adoptant principalement le point de vue masculin. Ce choix, interroge subtilement…

Omar, sa petite amie Yasmine et leur groupe – exclusivement masculins – animent un centre aéré. L’équilibre du groupe vacille avec le retour de Carmen, une amie d’enfance et ancienne prostituée, bien décidée à tourner la page de son passé. Mais celui-ci la rattrape, provoquant de vives discussions au sein de la bande. Rien de fondamentalement nouveau sous le soleil : l’idée persiste que la femme ne peut être un sujet désirant et pourtant !

Marseille vibre d’amour ! dans les quartiers nord, loin des clichés de trafic de drogue et de règlements de comptes à la kalachnikov, des milliers d’adolescents et de jeunes adultes mènent une vie ordinaire, rythmée par des virées en scooter, des querelles juvéniles et des désirs maladroits. Ce microcosme hyper-masculin, cependant, laisse peu de place aux jeunes filles. Le retour de Carmen – la plus belle, la plus sulfureuse – après une longue absence, vient bousculer, puis faire basculer l’équilibre du groupe. Le film débute par le regard des garçons, avant de s’ouvrir progressivement à celui des filles, rendant visible ce qui reste souvent dans l’ombre. On pense inévitablement à L’Esquive d’Abdellatif Kechiche ou à Bande de filles de Céline Sciamma, dont l’écho résonne dans cette œuvre sincère.

Les Filles désir séduit par sa capacité à capter l’énergie brute et l’authenticité du désir et les dynamiques de genre. Prïncia Car signe un premier film prometteur, porté par des acteurs d’une justesse remarquable. Cette fresque intimiste est une belle invitation à repenser les regards que l’on porte sur l’autre, dans un Marseille vibrant, loin des caricatures.