

Pour son troisième long-métrage, Thomas Kruithof (Après La Mécanique de l’ombre et Promesses) s’est immergé plusieurs mois auprès des Gilets jaunes, en Bretagne, en Haute-Loire, à Limoges et à Angoulême. Quelque part dans une zone périurbaine sans nom.

Karine (Virginie Efira), ouvrière, et Jimmy (Arieh Worthalter), chauffeur routier qui rêve de développer sa petite boîte de transport, forment avec leurs deux ados, Enzo et Anaïs, une famille unie, tendre, presque banale. Jusqu’au 17 novembre 2018.
Ce jour-là, Karine enfile un gilet jaune et bascule corps et âme dans le mouvement. Le couple vacille, la vie quotidienne se fissure. Tourné en Scope, Les Braises alterne avec une rare maîtrise les plans larges de foules et de ronds-points fumants et les plans serrés sur la petite cuisine où tout se joue désormais : les silences, les reproches, les gestes d’amour qui persistent malgré tout.

La large focale permet de ressentir les distances qui s’installent entre les corps, tandis qu’une palette de couleurs saturées (orangés des braseros, jaunes criards, bleus nuit des gyrophares) vient tordre les codes visuels habituels des reportages télé. Le film n’est jamais une leçon d’histoire ni un tract. Il observe, avec une acuité bouleversante, ce qui arrive à un couple quand les deux conjoints n’envisagent plus le même avenir. Peut-on encore s’aimer quand on ne rêve plus du même monde ? À travers Karine – femme indépendante, déterminée, pacifiste mais inflexible sur la justice sociale – se dessine le portrait d’une France fracturée : brutalité policière, justice expéditive, mépris de classe. La scène du tribunal, d’un réalisme glaçant, fait mal.

Pourtant, le film » Les Braises » refuse la plainte. La mise en scène choisit la vitalité : celle des corps qui dansent autour des feux, des slogans qui claquent, des vies qui continuent envers et contre tout. Virginie Efira, lumineuse et habitée, porte le film avec une énergie contagieuse. Face à elle, Arieh Worthalter, tout en retenue et fêlures, est déchirant de vérité. Leur duo transforme ces braises prêtes à s’éteindre en un feu qui réchauffe autant qu’il interroge : quel modèle de société sommes-nous en train d’accepter collectivement ?
Les Braises –ne hurlent jamais, mais qui brûlent durablement.
(En salles le 26 novembre 2025)

